Magie, Magie ! Si l’un ou l’une d’entre vous a un sortilège pour éradiquer le Covid, on prend ! Mais en attendant, voici 2 lectures qui réveilleront la sorcière qui est en vous. Bonne lecture !
Les filles de Salem, Thomas Gilbert – Editions Dargaud
Dans le village de Salem, au Massachusetts, à la fin du XVIIème siècle, Abigail Hobbs vit avec sa famille et mène une enfance paisible dans une petite communauté puritaine. A treize ans, sa vie prend une toute autre tournure alors qu’elle accepte un petit cheval en bois offert par un garçon de son village. Dans ce cadre très pieux, la fillette est considérée d’un mauvais oeil et va vite devenir un des boucs émissaires du village, responsable de tous ses malheurs, dont une famine sévère qui exacerbe les tensions. La population s’en remet totalement au Pasteur protestant, le Révérend Parris, extrémiste religieux qui sermonne les foules, pointant du doigt les “filles de petite vertu”. Peu à peu le village entre dans une psychose collective, accusant les filles de sorcellerie. Un procès, joué d’avance, aboutira à la pendaison des accusées.
A travers un trait fin et des dessins d’une grande beauté mais aussi très crus, Thomas Gilbert nous fait partager l’enfer de l’héroïne au sein de cette communauté patriarcale en proie à l’obscurantisme religieux et la paranoïa. La narration est extrêmement fluide, on partage les émotions fortes et l’injustice de ces jeunes femmes, injustement accusées. En revanche, il faut noter que la BD ne reflète pas totalement la réalité des faits. En effet, le procès de Salem a non seulement abouti à l’accusation et l’exécution de femmes et d’hommes (dans une moindre mesure mais quand même) et tous ont été accusés de sorcellerie, ce qui n’est pas mentionné dans l’ouvrage. Par ailleurs, les premières dénonciations pour sorcellerie sont le fait de deux jeunes filles, dont Betty Parris, la fille du Révérend. Celles-ci étaient malades et secouées de convulsions. Le docteur William Griggs, médecin de Salem, ne parvenant pas à poser un diagnostic, arrive à la conclusion qu’elles étaient possédées. Les notables de l’époque les pressent pour obtenir les noms des “ensorcelleurs.ses”….
Le récit de Thomas Gilbert est une épopée de 200 pages, qui offre une vision romanesque librement inspirés des procès de Salem et qui a le mérite de porter un message fort : la dénonciation du contrôle du corps des femmes par les hommes mais aussi l’assujettissement moral.
La Sorcière, Benoît Guillaume – Editions Acte Sud BD
Adaptation d’après le roman de Marie NDiaye
La bande-dessinée “La Sorcière” est une adaptation du roman de Marie NDiaye, sorti en 1996 par le bédéiste Benoît Guillaume. Quand elles ont l’âge de 13 ans, Lucie enseigne à ses filles jumelles Maud et Lise l’art de la sorcellerie, transmise de mère en fille. Celles-ci se révèlent être bien plus talentueuses qu’elle, douées de dons pour la voyance mais aussi la métamorphose. Qui sont les corneilles au loin ?
Récit fantastique et onirique, les sorcières de Marie NDiaye pleurent du sang après leurs visions ou jettent des sorts, transformant leur ancien compagnon en escargot … Mais cet ouvrage est aussi et surtout l’histoire de gens ordinaires, celle de famille qui éclatent… Lucie et ses filles sont des sorcières de notre temps, vivant en zone pavillonnaire et abandonnées du jour au lendemain par la figure paternelle, qui n’hésite pas à voler les économies de son ex-compagne. C’est aussi l’histoire d’une mère à qui ses filles lui échappent, prenant leur envol d’adolescentes, parfois de manière cruelle. C’est encore la séparation des parents de Lucie, qu’elle n’arrive tout simplement pas à accepter, faisant tout son possible pour les réconcilier.
Benoît Guillaume illustre fabuleusement et avec subtilité le récit de Marie NDiaye. Ces planches lumineuses oscillent entre différentes palettes chromatiques, tantôt bleutées qui décrivent la vie quotidienne de sorcières tantôt ocres qui reflète leurs visions. “La Sorcière” est une incursion dans la vie de sorcières contemporaines faite d’angoisses, de doutes, d’imprévisibilité et de liberté…




